Les gestionnaires et employés sont amenés à vivre de plus en plus d’incertitude dans leur réalité quotidienne.

L’incertitude est un concept qui s’est vu accorder un grand intérêt par les chercheurs et praticiens de plusieurs disciplines, notamment celle de la gestion. Ceux-ci s’entendent sur la définition suivante, à savoir : un individu vit de l’incertitude lorsqu’il aurait conscience de sa propre ignorance face à une situation donnée (Hillen et al., 2017). Ce sont donc les moments où l’individu réalise qu’il ne peut se fier à ses repères habituels et il ne peut se référer à des recettes qu’il peut appliquer pour l’aider à prendre une décision. Il y aurait deux types d’incertitude distincts, l’une vient de l’environnement, l’autre vient plutôt de soi et est associée aux doutes que l’on ressent quant à notre identité professionnelle et personnelle.

Incertitude liée à une situation

Les situations incertaines liées à l’environnement sont des situations qui présentent des caractéristiques complexes, ambiguës ou imprévisibles. Un gestionnaire qui n’a pas de nouvelles de son équipe qui travaille sur un projet important est un exemple qui met en lumière que la conduite à adopter dans cette situation nécessite réflexion; leur écrire et demander des nouvelles, ou leur faire confiance? Plusieurs éléments sont à considérer, notamment les effets collatéraux de cette décision!

Incertitude liée à l’identité professionnelle

L’incertitude provenant de soi réfère, quant à elle, au doute quant à l’habileté à bien gérer l’incertitude d’une situation qui met en doute sa propre compétence professionnelle et son autonomie professionnelle. L’incertitude professionnelle est d’ailleurs particulièrement présente lorsque se présente un conflit de rôle ou de l’ambiguïté de rôle. Un exemple illustrant parfaitement l’incertitude professionnelle est un gestionnaire qui se questionne sur sa conduite professionnelle lorsqu’un de ses employés lui dévoile ses enjeux de santé mentale. Le gestionnaire peut alors se questionner sur son rôle, ne sait pas comment se positionner face à cette problématique et ne se sent pas compétent pour y répondre.

L’incertitude est omniprésente et concerne autant les décisions simples du quotidien que des décisions importantes dans le contexte du travail.

L’incertitude a bien évidemment des conséquences sur l’état émotionnel et cognitif d’un individu. Ainsi, la manière dont un individu va réagir à l’incertitude va dépendre de son niveau de tolérance à l’incertitude. Quelqu’un qui tend vers l’intolérance à l’incertitude est plus susceptible de vivre du stress dû au fait de croire que l’incertitude est négative et nécessite d’être éliminée à tout prix. Cette personne cherchera donc, par la validation, le questionnement ou le contrôle, à diminuer son incertitude. À l’inverse, une personne qui est tolérante face à l’incertitude aura tendance à croire que l’incertitude est normale, à l’accepter confortablement, ne cherchera pas à diminuer son incertitude, mais plutôt à la comprendre.

La tolérance à l’incertitude dépend du contexte, du niveau d’expérience dans son organisation, dans son rôle et dans son équipe, et dépend surtout du type d’incertitude présent. Il semble alors important de développer sa tolérance à l’incertitude dans le plus de contextes possible, en se donnant des réflexes adaptés et en développant la capacité de réfléchir à son incertitude.

De manière générale, la réflexivité est un outil intéressant pour gérer l’incertitude de manière efficace. La réflexivité se définit comme étant l’action de réfléchir délibérément à sa propre pratique en vue de l’améliorer. C’est donc d’abord d’avoir la lucidité de reconnaître la présence de l’incertitude, de lui accorder de l’importance, de faire le point et de s’obliger à réfléchir à ce qui se passe pour agir davantage en compétence.

Voici quelques outils permettant de pratiquer concrètement la réflexivité.

  1. Travailler sa posture dans la résolution de problème

Il importe de travailler sa posture, sa façon d’être dans l’incertitude pour éventuellement devenir plus tolérant. Dans la figure suivante, il est à noter que la gestion des émotions vient avant la réflexion sur la nature de son incertitude. Les émotions, étant éphémères, viennent habituellement agir comme filtre à la réflexion. Arriver à gérer l’émotion associée à l’incertitude en y accordant de l’attention et en l’exprimant adéquatement permet de réfléchir plus rationnellement à son incertitude.

Schema postur resolution probleme 

  1. Travailler sa prise de décision

Si l’on part de la prémisse qu’il est impossible d’être certain, la personne souhaitant prendre une décision doit faire le pari qu’elle prend la meilleure décision dans les circonstances. Le triangle de Ricoeur est un outil d’aide à la prise de décision mettant en lumière les aspects à considérer dans une prise de décision complexe :

  1. soi/ses valeurs;
  2. les autres/l’équipe;
  3. l’organisation/l’institutio

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  1. Travailler sa communication dans un contexte incertain

L’incertitude doit être considérée à travers tout le processus décisionnel jusqu’à la communication de celle-ci. Dans l’exercice de son leadership, il est d’autant plus important de communiquer son incertitude tout en n’insécurisant pas l’autre ou l’équipe. Voici quelques astuces en ce sens.

  • Communiquez l’incertitude de la situation plutôt que votre incertitude professionnelle.
  • Communiquez votre processus décisionnel, prouvant que vous connaissez vos zones d’incertitude.
  • Communiquez ce que vous souhaitez vs ce que vous pouvez promettre.

En conclusion, les gestionnaires et employés tolérants à l’incertitude, ayant développé la capacité d’y réfléchir, sont des personnes qui sont prêtes à tout dans le contexte du travail!


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Sources

AGOUÈS-RICHARD, Camille. (2023). Stratégies de gestion de l’incertitude chez les résidents en médecine, Thèse (Ph. D) non publiée, Université du Québec à Montréal.

HILLEN, M. A., GUTHEIL, C. M., STROUT, T. D., SMETS, E. M. A., et HAN, P. K. J. (2017). Tolerance of uncertainty: Conceptual analysis, integrative model, an implication for healthcare. Social Science & Medicine, vol. 180, p. 62‑75. [https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2017.03.024]

LAURIOLA, M., FOSCHI, R., MOSCA, O., et WELLER, J. (2016). Attitude toward ambiguity: Empirically robust factors in self-report personality scales. Assessment, vol. 23, no 3, p. 353–373. [https://doi.org/10.1177/1073191115577188]

SORRENTINO, R. M., HOLMES, J. G., HANNA, S. E., et SHARP, A. (1995). Uncertainty orientation and trust in close relationships: individual differences in cognitive styles. Journal of Personality and Social Psychology, vol. 68, no 2, p. 314-327. [https://doi.org/10.1037/0022-3514.68.2.314]

SAKS, A. M., et GRUMAN, J. A. (2018). Socialization resources theory and newcomers’ work engagement: A new pathway to newcomer socialization. Career Development International, vol. 23, no 1, p. 12-32. [https://doi.org/10.1108/CDI-12-2016-0214]

TEBOUL, J. B. (1994). Facing and coping with uncertainty during organizational encounter. Management Communication Quarterly, vol. 8, no 2, p. 190-224.