Souper leadership – Mai 2011 – Québec
Voici le résumé des échanges entre les invités du souper leadership, première édition. Ces leaders ont été amenés à discuter de trois questions liées au thème de la responsabilité sociale, autour de la table du chef Gaby, en remplacement de Marie Chantal Lepage.
1. Existe-t-il un lien entre les performances sociales de l’organisation et la performance économique et financière?
C’est un incontournable, une clé. C’est même une obligation pour les organisations d’aujourd’hui, en ce sens qu’il n’y a pas d’entreprise qui peut fonctionner à long terme sans s’être assurée d’une performance sociale. Ce serait inadmissible. C’est évident qu’il y a un lien, car lorsqu’une entreprise est socialement responsable, les employés qui y travaillent en sont fiers. Il y a donc un effet positif sur la mobilisation. Lorsque les gens s’impliquent ou ont des causes qu’ils soutiennent, cela a des retombées sur la performance organisationnelle.
Le profit est évidemment nécessaire au développement, mais ce n’est pas le profit à tout prix. Plusieurs organisations investissent énormément dans le capital humain et s’investissent dans de causes sociales multiples. En plus, cela a un effet sur l’attraction des jeunes travailleurs.
Les performances sociales et financières ne sont pas nécessairement corrélées, c’est en fait une équation complexe. On pourrait affirmer que cela a un impact sur le climat d’affaires, mais dire que d’être socialement responsable a un effet direct sur la performance financière, ce n’est pas évident. Certains chefs sont carrément absents et réussissent quand même. Or, si nous avions à choisir un milieu de travail, la plupart d,entre nous choisirions de nous joindre à une organisation où règne un climat social positif.
Selon un invité, l’essentiel réside dans la cohérence, c'est-à-dire entre la mission de l’organisation et comment cette dernière se comporte. Le contexte du marché du travail a forcé cette responsabilisation sociale, mais de toute façon, c’est positif pour la société.
Selon un invité, une organisation qui ne s’investirait pas du tout pourrait être en péril lors de situations économiques difficiles.
Certaines organisations gèrent de façon socialement responsable plus naturellement, vu leur mission. Aussi, certaines entreprises incluent des objectifs liés à la responsabilité sociale dans leur planification stratégique, par exemple le développement durable, l’implication sociale, le capital humain, la qualité de l’air, l’environnement de travail…
Les invités soulèvent la question de la définition de « socialement responsable ». Est-ce parler d’environnement et de récupération ou de générosité de l’organisation? Lorsque l’entreprise performe, retourne-t-elle une partie à la communauté?
On arrive sur le sujet des entreprises qui sont contrôlées par des « holdings » internationaux.
Dans la PME, on doit assurer la stabilité financière avant de pouvoir penser redonner. C’est une question de maturité et de besoins de survie qui doivent être comblés.
Le terrorisme économique peut influencer l’entreprise, car la rentabilité de l’entreprise passera en premier, par exemple la compétition contre l’Inde ou la Chine. Le marché mondial peut dégrader les valeurs sociales des entreprises.
2. Quels sont les effets à l’interne d’un agissement socialement responsable du chef?
Les gens observent leur leader. Est-ce que les gestes au quotidien des dirigeants sont en cohérence avec leur discours? Par exemple d’expliquer les actions que l’entreprise prendra pour aider la communauté et que les gestes des dirigeants sont cohérents. L’authenticité serait la clé. Est-ce que l’on sent que le chef y croit? Les dirigeants portent les valeurs de l’entreprise. Ce sont les porteurs de sens. Le chef est le modèle, il doit être conscient de son impact dans l’organisation.
Selon un invité, même lorsque le leader ne parle pas, il parle. Les employés ont un regard « rayon X » sur les dirigeants. Lorsque l’on recrute des chefs, on n’évalue pas nécessairement leurs comportements socialement responsables. Peut-être que dans le public c’est plus présent, mais dans le privé, ce n’est pas évident. On évalue encore les gestionnaires sur leurs compétences liées à la « gérance » plutôt que sur leurs valeurs. Le PODC est encore privilégié.
Un leader qui ne serait pas en cohérence avec les valeurs organisationnelles ne perdurerait pas. Le leader qui a des agissements socialement responsables va permettre, voire rendre possible l’implication sociale des employés dans différentes causes ou projets. Cette implication permise va faire émerger plusieurs autres initiatives. Aussi, les employés vont se mobiliser pour un chef et non pour une organisation. Est-ce que les relevants du PDG ont aussi un impact sur les employés? Tout à fait, si ces gestionnaires ne sont pas socialement responsables, l’effet du grand leader en sera dilué. On avoue aussi qu’à l’heure actuelle, on choisit et valorise les cadres intermédiaires sur leurs compétences de gestion (orientation résultats, capacités stratégiques, etc.). Les valeurs sociales ne sont pas encore priorisées. Cela reste dans le « nice to have ». Or, si nous sentions que la personne est à l’opposé de ces valeurs, nous ne la choisirions pas. Ce n’est donc pas encore une attente signifiée, mais ça reste important.
Les cadres intermédiaires sont tellement interpellés dans le quotidien qu’il est difficile de les libérer ou même de les sensibiliser à l’implication sociale. Ce n’est pas une question de volonté, mais de priorité. On peut quand même trouver des cadres intermédiaires avec ces valeurs sociales si importantes.
3. Comment changer les modèles mentaux pour que la gestion devienne un exercice de conscience et de préoccupation sociale?
Il faut dans un premier temps en parler et sortir cela de l’accessoire. Les gens qui s’impliquent doivent pouvoir en témoigner, rendre visible. Ce n’est pas une affaire de formation (écoles, universités), mais plutôt une question d’ouverture dans les organisations. Pourrait-on avoir un effet avant l’entrée sur le marché du travail? Peut-être dans les écoles, mais l’organisation a une grande part de responsabilité dans le choix de ses candidats.
La plupart des organisations qui réussissent socialement traitent bien leurs employés. Le tissu social évolue. On constate aussi une évolution chez les gestionnaires.
Mettons-nous en place des terreaux fertiles? Les organisations doivent valoriser les valeurs humaines et les institutions d’enseignement s’y adapteront.
Le tissu économique du Québec n’est pas nécessairement aligné sur la communauté. S’entraide-t-on? Sommes-nous dans une philosophie individualiste?
Selon un invité, il n’y a pas lieu de changer le modèle d’enseignement de la gestion, car ceux qui choisissent la gestion veulent faire la différence. Le modèle évolue par lui-même.
Merci à Hugo Privé, Ginette Guay-Defoy, Jean-Marc Sauvé, Gisèle Picard, le chef Gaby, Hugues Matte, Bernard Labelle, Denis Légaré, Simon Racine, Michelle Collard et Christophe Deutsch.